Parler de cocktails frais, de parcs nationaux et de balades c’est bien mais voyager, ce n’est pas que ça. Voyager c’est également découvrir un pays, une culture, un peuple. C’est apprendre et comprendre, sans juger (si possible).
Lors de mes balades en Asie et aux Seychelles, j’ai été confrontée à la pauvreté. La situation de certains Cambodgiens m’a profondément attristée, mais pas choquée car dans un sens, je m’y attendais.
Je n’étais en revanche pas préparée à voir des gens souffrir autant en Australie. Il faut dire que je ne m’étais jamais vraiment penchée sur l’Histoire de l’Australie. J’ai appris pendant le road trip.
C’est à Perth, dans l’état de l’Ouest Australien, que j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire des Aborigènes, premiers habitants de l’île. L’une des galeries du musée de la ville est consacrée à la culture et l’histoire aborigène. J’en apprends donc un peu plus sur le Dreaming, la relation homme/nature, sur la complexité des relations sociales et maritales dans les communautés mais surtout, j’en apprends plus sur la génération volée. Pendant des années, les petits métisses et les enfants Aborigènes ont été arrachés à leurs familles afin d’être « éduqués ». Et ce jusque dans les années 70.
Bon je ne suis pas là pour vous faire un cours de rattrapage d’Histoire donc je vais plutôt vous expliquer mon sentiment sur la situation actuelle des Aborigènes. Car je ne sais pas si c’est le cas des autres voyageurs qui ont visité ce pays, mais personnellement je ne pensais pas que la situation actuelle était aussi critique.
Notre premier contact avec les Aborigènes a donc eu lieu dans le Western Australia. A Perth, nous n’en avons pas croisés beaucoup dans les rues. En revanche, vers Broom et dans les villes plus petites, les Aborigènes sont nombreux. Et le premier contact ne laisse pas forcément une bonne image dans la tête. Vêtus de haillons, le regard vide, ils errent dans les rues de la ville. La plupart sont alcooliques. Les enfants, très sales, traînent également et soutiennent parfois leurs parents titubant. Les engueulades sont courantes, la violence aussi et les touristes effrayés par les cris ne peuvent s’empêcher de serrer fort leurs sacs à main contre eux. Les commerçants sont en colère car les comportements peu « civilisés » des Aborigènes font fuir la clientèle. Les descentes de flics sont donc monnaie courante. C’est à Broome que la situation nous a semblé la plus tendue. Difficile d’assister à ce spectacle. C’est là qu’il faut essayer de comprendre la situation.
Les Aborigènes sont totalement mis à l’écart de la société, n’ont pas d’emploi, n’ont pas accès à l’éducation ni aux soins. La plupart du temps, ils vivent dans des réserves et leurs présences en ville n’est pas souhaitée. Ils ont également souvent été chassés de leurs terres natales, qui sont devenues des attractions touristiques (Kakadu, Uluru…) De plus, certains s’étonnent de leur mépris envers les « blancs ». Mais quand on voit que ni les touristes ni les Australiens ne respectent leur culture (la montée d’Uluru en est un bon exemple), il ne faut pas s’étonner…
Délaissés, abandonnés, critiqués, on peut comprendre leur désespoir. Le racisme ambiant dans l’Ouest et parfois dans le Nord du pays mettent vraiment mal à l’aise. L’Australie est un pays « récent » qui s’est fondé sur le racisme et la violence. Si le Gouvernement tente de se faire pardonner auprès de la communauté aborigène (le jour du pardon…), on sent que ce n’est que du vent. Partout les Aborigènes sont stigmatisés. Par exemple, les formulaires à remplir pour des jobs comportent une case « êtes-vous Aborigène ? »…
Mais ce qui me choque le plus dans tout ça, c’est que les Australiens profitent de la culture aborigène pour appâter les touristes. Ces derniers se rendent en effet vite compte que niveau culture, l’Australie a peu à offrir. Pas d’architecture, pas d’art ancien ni d’identité, alors que les Aborigènes, l’un des plus vieux peuples sur Terre, regorgent de culture, d’art, de médecine ancienne, de contes et de légendes. Et ce sont les « blancs » qui exploitent à fond cette culture pour faire du business.
Le fait que les Aborigènes n’aient pas accès à l’éducation les empêche de tenir eux-mêmes les galeries d’art… Alors oui ils sont souvent co-gestionnaires des parcs nationaux mais sur les nombreux parcs que nous avons visités, nous ne sommes JAMAIS tombés sur un guide d’origine aborigène…
La situation est donc complexe. D’un côté, les Australiens ne comprennent pas le refus des Aborigènes d’abandonner leur culture pour s’intégrer et de l’autre, les Aborigènes se sentent incompris et volés…
Si beaucoup de touristes décident de fermer les yeux sur la situation de ce peuple si plein de ressources, il faut pourtant être conscient du problème. Car l’Australie ne se résume pas au surf, aux barbecues et aux merveilles naturelles. Non ce n’est pas un endroit idyllique où tout le monde est gentil et s’entraide. Il faut arrêter d’idéaliser ce pays et comprendre qu’ici comme ailleurs, les injustices ont la vie dure et les problèmes ne sont pas inexistants.
Si je partage avec vous mon sentiment aujourd’hui, c’est que j’ai remarqué que peu de blogs ou de sites de voyage évoquent c e « problème », qui m’a mis très mal à l’aise. Je n’ai découvert la situation qu’en arrivant sur place et elle est beaucoup plus violente et désespérée que ce qu’on veut bien nous faire croire.
Ce n’est là que mon opinion bien sûr. Je ne suis ni une experte en sociologie, ni en ethnologie et encore moins en histoire et mes paroles n’engagent que moi. Je ne vois et juge cette situation qu’en fonction de mon expérience et ma sensibilité et ces quelques paragraphes sont loin de résumer la situation et la complexité des relations Australiens/Aborigènes. Et surtout, je ne mets pas tous les Australiens dans le même panier. Nous avons rencontré des Australiens vraiment touchés par la situation des Aborigènes et qui tentent, à leur niveau, de faire évoluer les mentalités.
Chers lecteurs qui avez, vous aussi, visité ce pays, j’attends avec impatience vos commentaires, vos points de vue et votre ressenti par rapport à cela. Le débat reste ouvert !
J’aime bien tes écrits sur le problème aborigène que je connais depuis bien longtemps. J’ai lu pas mal de livres dessus. Et aussi des films commencent à dénoncer cela.
Les anglicans ont volés les enfants aux parents (pour séparer les familles) et les “”instruire donc”” religieusement.
Cela est épouvantable !
D’abord leur destruction et après leur soi-disant “”instruction””.Pour avoir le droit de vivre avec les “”envahisseurs””.
Il est bien évident que ces “””disparitions de racines””” font que les aborigènes en crèvent ! Tu connais mon intérêt pour le transgénérationnel !
Et le gouvernement australien s’est approprié les terres et fait disparaître le peuple et son histoire.
On peut faire une sorte de parallèle avec les indiens et les arrivants au nouveau monde. Ce sont des “”génocides”” qui ne s’avouent pas tels !
Les nouveaux “venus” s’installent, tuent et s’approprient : c’est horrible.
Les “locaux” qui “”s’adaptent”” font figure “”folklorique”””” et on les regarde comme on regarderait des énergumènes de foire ou de zoo.
OUI, tu fais bien de dénoncer cela.
Je suis bien heureuse que tu sois consciente de cela. Et que tu en parles, c’est bien.
Ton style est alerte, vif, incisif, tu dénonces sans sentimentalisme.
J’avais eu le même choc qu’une fois sur place… plus particulièrement le jour de l’Australian Day…
Quelques jours avant, je visitais le fameux Tandanya Institute à Adélaïde où il y avait une très belle expo sur le passé et l’histoire des aborigènes, j’en étais sortie un peu chamboulée…
et lors de cet Australian Day, la fête nationale qui célèbre l’arrivée des colons, j’ai appris qu’en parallèle de cette journée des gens commémorent le “Survival Day”, le jour où ils ont perdu leurs terres… changement de perspectives…
Alors on célèbre quoi ce 26 janvier ? l’arrivée des colons, une invasion ? le début de la fin d’une culture magnifique et ancestrale ?
J’avais passé la journée un peu amère à réfléchir à ça, et même si j’aime beaucoup ce pays, le comportement de ses habitants (enfin certains d’entre eux, mais j’ai la désagréable impression que c’est une majorité) me met quand même mal à l’aise.. tout comme les Américains avec les Indiens, il y a une suprématie blanche et un mépris de ces cultures millénaires qui est insupportable à observer…
J’ai compris aussi que le “problème aborigène” comme ils l’appellent est bien plus complexe qu’il n’y parait, je ne sais pas ce qui est mis en place concrètement, j’avais lu que des “blancs” essayaient d’améliorer les choses…
Ta réflexion sur le profit fait sur la culture et l’art aborigène est intéressante… je suis sur Facebook une galerie d’art tenue par des aborigènes, j’aime espérer que ce genre d’initiatives continuent de se développer malgré les difficultés…
Bref, un message sans queue ni tête, mais contente aussi que tu aies fait un billet sur ce sujet qui te tient à coeur..
Pour finir, j’avais lu un livre magnifique sur cette culture qui m’a complètement bouleversée, “Message des hommes vrais au monde mutant”, si tu as l’occasion de le trouver.. assez controversé comme bouquin, mais on n’en sort pas indemmes 😉
J’ai bien aimé ton article”Les aborigènes et moi”ainsi que les commentaires de Claire et Hélène.
Oui, nous aussi lors de notre voyage en Australie,Marie Chantal et moi, avons été très choqués par la situation des Aborigènes que nous avons rencontrés notamment à Alice Spring.
Je comprends très bien le ressenti que tu as éprouvé d’autant et je te cite “tu n’étais pas préparée alors que tu avais rencontré la pauvreté dans d’autres pays et qui ne t’on pas choqué car justement tu t’y attendais”.
Comme nous te l’avions dit lors de notre rencontre aux Seychelles nous avons visité de nombreux pays dans les cinq continents.
L’exploitation de l’homme par l’homme existe bien de nos jours et ce partout malheureusement sous quelques formes que se soit.(et même en France!)
Peut on changer les choses ?
Le simple fait d’en prendre conscience et d’en parler et déjà un tout petit pas , mais le chemin est encore long.
Nous continuons de voyager ,de découvrir,d’apprendre encore et encore (malgré notra age avancé). N’est ce pas là une chance, un bonheur inouï et ce bonnheur nous pouvons le partager.
Merci à toi Mélissa de nous faire ce partage.Je n’ai pas ta prose ni ton écriture si agréable à lire mais je tenais à te répondre plus longuement sur ce sujet.
Prochain voyage Ouest U.S.A.Promis vous aurez de nos nouvelles et des photos.
Ton article est très bon, excellent même. C’est intéressant de découvrir ton point de vue. Je réalise que votre jeune génération découvre en voyageant, moi, c’était en lisant énormément, le contexte n’était pas le même, ni les outils “médiatiques”. Par contre, à part ma conscience plus ouverte, je ne pouvais comme toi en parler avec ce que je te souhaite, une grande audience et une présence de vécu qui touche et fait réfléchir ceux qui te lisent. Les horizons vous sont ouverts et toutes formes de dialogue accessibles, alors, allez-y les “jeunes” faites bouger les choses. Bien à toi, Claire
Je n’ai visité que Melbourne et Hobart et j’avais abouti à la même conclusion que toi.
Partout on parle d’art aborigène, de réconciliation (il y a une grande construction en bois et en peinture devant une église sur la paix et l’unité)… mais il n’y a aucun aborigène nul part, même pas mendiant. J’ai un peu discuté et cherché à comprendre et c’est simple, sur Melbourne il n’y a plus d’aborigène, la population blanche les a exterminé et fait fuir.
Donc c’est facile de parler de paix quand de toute façon l’autre partie n’est même plus existante dans la région !
Merci à tous pour vos commentaires constructifs sur cet article qui me tient très à coeur !
Article très intéressant sur une triste réalité.
Je fais le parallèle entre la situation des aborigènes en Australie et ceux du Canada… Parqués dans des “réserves” où ils se sentent mis à l’écart, meurtris par l’alcool et rongé par les ressentiments…
Dure réalité que celle-ci.